Lactation induite : Suite, victoire et fin !

Au moment où j’écris ces lignes, ma fille a bientôt 9 mois ! Après de longs mois d’absence, je parviens enfin à venir ici terminer ce que j’ai commencé afin d’apporter aux autres femmes dans ma situation une information la plus complète possible sur une possible lactation induite.

J’ai le plaisir de vous raconter la fin de l’histoire au moyen de la retranscription de mon témoignage paru au mois de juillet 2018 dans le magazine Allaiter Aujourd’hui de La Leche League !
Un jour, à 16 ans, j’ai appris que je ne pourrais jamais porter d’enfant. Difficile, évidemment, sans utérus ! Mais j’avais l’espoir de pouvoir malgré tout allaiter un jour mon enfant, quelle que soit la manière dont il entrerait dans ma vie.
Quand, 12 ans plus tard, les astres ont été favorables à sa venue, je n’avais pas changé d’avis et mon désir d’allaiter était toujours aussi intense. Les médecins rencontrés n’étaient pas spécialement encourageants, principalement par ignorance. Les proches n’y croyaient que peu, et s’inquiétaient surtout des risques potentiels sur ma santé. Les connaissances tombaient des nues, n’ayant jamais imaginé un seul instant qu’une telle chose soit possible.
Pour mener à bien ce projet, j’ai écumé les sites internet, les revues, les livres sur l’allaitement… Et je n’y ai trouvé que des informations mal organisées, incomplètes, qui me laissaient en permanence sur ma faim. J’ai étendu mes recherches à la littérature anglophone, jusqu’à trouver deux sources d’information majeures : le Dr Newman et le livre d’Alyssa Schnell “Breastfeeding without birthing”, littéralement “Allaiter sans donner naissance”.
Ma situation hormonale étant complexe, et le protocole de lactation induite ayant pour but de provoquer un changement hormonal, j’ai contacté des personnes et des médecins aux quatre coins du monde, afin de leur demander si je me mettais en danger en entamant ce protocole. Toutes les réponses furent sensiblement les mêmes : mon cas était inconnu, il était impossible de prévoir avec certitude comment mon corps allait réagir, mais en théorie, cela ne devrait pas poser de problème.
J’ai décidé d’aller consulter un cardiologue pour m’assurer que je n’avais aucune fragilité cardiaque, puisque le protocole comprend une dose massive de dompéridone, qui a été fortement critiquée récemment pour les problèmes cardiaques qu’elle peut engendrer quand prise à forte dose par des personnes à risque. J’ai demandé l’avis d’un gynécologue, d’un endocrinologue, et après avoir eu l’avis de tout le monde, j’ai décidé d’entamer le protocole de lactation induite !
Pendant 5 mois, j’ai pris en continu une pilule contraceptive afin de “faire croire” à mon corps à une hypothétique grossesse. Dans le même temps, j’ai commencé à prendre de la dompéridone 4 fois par jour, en augmentant progressivement les doses jusqu’à atteindre 80mg par jour. Durant ces cinq mois, j’ai noté quelques effets secondaire : Une soif importante lors des fortes chaleurs, une prise de poids probablement liée aussi au stress, une légère augmentation du volume de mes seins, et des rêves abondants et agités.
Au bout de ces cinq mois, et 3 mois avant l’arrivée de ma fille, j’ai arrêté du jour au lendemain la prise de la pilule contraceptive et j’ai continué la dompéridone. J’ai également commencé la stimulation physique au tire-lait, toutes les 3 à 4 heures. La chute hormonale et le début de la stimulation physique ont pour but de simuler un accouchement (hormonal) et le début de la tétée d’un nouveau-né.
Environ une semaine après le début de la stimulation, j’ai vu perler la première goutte de lait. Après plus de cinq mois de traitement et d’efforts, j’avais enfin un signe que tout ceci fonctionnait et que je pouvais effectivement espérer allaiter ! Cela peut sembler ridicule, mais j’avais la crainte abominable que mes seins ne soient là que pour “décorer” sans être fonctionnels ! Et soudain, ils perlaient, ils n’étaient pas que décoratifs, ils n’étaient pas étanches, ils étaient utiles ! Autant dire que mon compagnon m’a entendu parler de mes seins pendant des heures…
Ces premières gouttes ont été un encouragement considérable et j’ai continué à “tirer mon lait” religieusement toutes les 3-4 heures.
Au bout d’un mois, mon premier tirage de la journée me donnait 30ml, les autres péniblement 10ml. Mais j’avais décidé de tout congeler dans des bacs à glaçons hermétiques, afin de commencer mes réserves et surtout de ne pas gaspiller une goutte de ce précieux liquide obtenu avec tant d’efforts.
Au bout du deuxième mois, je tirais entre 50 et 70ml lors du premier tirage, et 20-30 ml lors des suivants. Ma réserve de glaçons lactés grandissait et j’en étais très fière.
Quand ma fille est arrivée, j’ai eu la chance de pouvoir la mettre au sein dès sa naissance et là, miracle… Elle buvait ! Ce rêve fou devenait réalité devant mes yeux, j’avais du mal à y croire. Et aussi étonnant que cela puisse sembler, cela me semblait “normal”. Comme si je n’avais fourni aucun effort pour en arriver là. C’était naturel d’avoir ma fille au sein…
A ce moment, j’ai commis une erreur : j’ai cessé de stimuler au tire-lait, considérant que ma fille assumait à présent cette fonction. C’était sans compter sa faiblesse de nouveau-né et ses maigres besoins du début. Ma lactation a alors chuté, si bien que ma fille perdait du poids sans parvenir à en reprendre. Plus elle fatiguait, moins elle stimulait correctement, plus ma lactation chutait. C’était un cercle vicieux. Quand, conseillée par les sage-femmes, j’ai pris conscience de ce phénomène, j’ai tenté de reprendre la stimulation au tire-lait, en plus de l’allaitement et des autres besoins de mon bébé. Cela s’est révélé difficile, épuisant, et pratiquement impossible. J’ai commencé à complémenter avec le lait que j’avais congelé, en le donnant à la cuillère-biberon. Tout cela prenait énormément de temps et j’ai amèrement regretté de n’avoir pas continué à stimuler dès le début, ce qui aurait permis d’éviter bien des complications.
Ce fut une période particulièrement stressante, car j’avais peur de ne pas suffire aux besoins de mon bébé. Je ne voulais pas mettre en péril mon allaitement donc je refusais d’utiliser un biberon. L’utilisation du DAL était périlleuse et frustrante, et rendait la tétée stressante.
Quand mes réserves de lait congelé furent épuisées, j’ai du me résoudre à commencer à complémenter (largement) au lait en poudre. Je me suis sentie très coupable de “rater” de la sorte, jusqu’à ce que mes proches me fassent réaliser à quel point toute cette aventure était une réussite. Là où je voyais un échec, ils admiraient ma détermination et mon succès.
C’est ainsi que j’ai réussi à faire la paix avec moi-même, et que j’ai décidé de mettre fin à mon allaitement mixte. Ma fille avait deux mois et demandait encore des tétées de réconfort, et je vivais sereinement l’idée qu’il ne resterait “que ça” de mon allaitement. J’avais réussi. Ma fille a reçu près de deux mois de lait maternel pour commencer sa vie, dans une configuration qui aurait du la prédestiner à un biberon de lait en poudre dès sa première heure.
Cela n’a pas été une promenade de santé, et je ne suis pas certaine que je reproduirais l’expérience si je devais avoir un deuxième enfant. Cependant, je ne regrette pas une seconde mon choix. Si je n’avais pas osé entreprendre cette aventure, je n’aurais jamais su si j’étais capable d’allaiter, et je l’aurais regretté toute ma vie. Je n’ai pas eu la chance qu’ont d’autres femmes, de pouvoir allaiter pendant des mois suite à une lactation induite, mais cela a été une épreuve qui m’a permis de devenir pleinement mère et femme à mes propres yeux. J’avais besoin de ça, et j’ai réussi !

 

Ce mois d’allaitement a été une source de défis, d’angoisse, de joie et de fierté. Parfois, lors de mes jours de nostalgie, je me dis que je suis triste de n’avoir pu le faire qu’un seul mois. Heureusement, je suis entourée de personnes bienveillantes qui me rappellent à quel point cet accomplissement est gigantesque et comment il doit rester une source de profonde fierté et de victoire.
Si je devais donner un conseil aux femmes qui suivront mes pas, je leur dirais de se donner du mal, sans pour autant se faire du mal.
Le jour où j’ai décidé de passer au biberon à été à la fois un jour de profonde déception mais également d’énorme soulagement.
Le jour où cela vous arrivera, si cela doit vous arriver, regardez le chemin parcouru et appréciez les quelques jours/semaines/mois/têtées pendant lesquelles vous aurez réussi à allaiter, en partie ou en totalité.
L’allaitement n’est pas uniquement une question d’alimentation, c’est une ouverture et une disponibilité rare pour son bébé. Vous obstiner à vouloir allaiter quand les choses ne vont plus et que cela vous rend complètement indisponible pour votre bébé, pour moi ce n’est plus allaiter.
Ainsi, quel que soit votre parcours et quels que soient vos échecs et vos victoire, n’ayez aucun regret, soyez fière de votre chemin, et continuez à regarder droit devant vous : votre enfant vous regarde avec amour et aura encore besoin de vous de multiples façons durant de nombreuses années. Vous aurez encore un million d’occasions de prendre soin de lui comme vous l’avez déjà fait jusqu’à ce jour.
Je vous souhaite un merveilleux allaitement, ainsi qu’un merveilleux pré-allaitement et post-allaitement : Je vous souhaite de merveilleux moments ensemble ! Ils sont précieux, profitez de chaque instant !